Le Mot du capitaine

Descente de la côte est de l’Amérique du sud, du 7ème parallèle au 35ème, nord Brésil à nord Argentine – 2000NM

Naviguer dans ces eaux n’est pas réputé chose facile. Ce n’est rien de dire que cette réputation n’est pas usurpée.

Nous quittons une zone proche de l’équateur, avec des systèmes de vents et de mer très établis et réguliers, à un système dépressionnaire très fluctuant. Normalement en novembre, début de l’été pour le grand sud, les dépressions se font plus rares, et baissent en intensité. L’anticyclone de Sainte Hélène « conditionne » la zone et donne une majorité de vent et de houle de nord-est (dans l’hémisphère sud les anticyclones tournent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, donc si vous êtes à l’ouest de Ste Hélène vous avez du vent de nord est). Un petit courant océanique nous porte mais il n’est pas très important (1/4 à 1/2kn). Il subsiste quand même beaucoup d’épisodes de vent de sud, sud ouest, au gré des passages de dépressions, qui pour notre cas seront fréquentes et parfois assez fortes. De fait, nous avons constaté un cycle de 2 jours de calme total, 2-3 jours de vents nord-est maniable, suivi d’un passage de sud à sud-ouest, accompagné de vent fort et de houle courte durant entre 2 et 4 jours.

Il nous faut donc aller d’abri en abri, en veillant sur la météo comme le lait sur le feu. Nous avons pu constater, contrairement aux affirmations de certains, y compris des locaux, que la météo à 3-4 jours est quasi toujours fiable, à 10-15% de variation orientation et puissance. Du moins pour les modèles utilisés : Icon global et ecmwf.

Nous aurons parcouru environ 2000NM (3600km) sur ces mers en adoptant la stratégie suivante : partir pendant la molle de vent, au prix de faire 24 à 48h de moteur, pour profiter ensuite de 24 à 48h de bon vent maniable avant de se réfugier dans un abri. Les 1000NM restantes seront sur le même modèle, avec des dépressions et une mer plus importantes.

Sur cette zone nous voyons que nous ne sommes pas en Bretagne. Vous avez parfois 72 à 96h de mer sans aucune possibilité de vous mettre à l’abri ! Une -seule- fois nous aurons dû parier sur la qualité de la météo à 96h. Effectivement nous avions 4 jours de mer (environ 480NM), avec un seul abri au bout de 24h (si la météo changeait), et une dépression plutôt méchante à l’arrivée. Ajoutons qu’une entrée à Rio Grande par mauvais temps est totalement impossible. Donc une fois lancés, nous n’avions plus que le choix d’arriver avant la dépression et de se planquer, ou d’être en retard et contraints d’affronter ce mauvais temps…. Nous sommes arrivés dans les temps, le challenge était de faire 6kn de moyenne générale. Sur la photo ci-contre on voit bien les dépressions qui descendent du nord-ouest et viennent se heurter à l’anticyclone de St Hélène, provoquant du mauvais temps de sud sitôt qu’on se trouve dans son ouest. Cette carte était la situation à l’arrivée, celle que nous voulions à tout prix éviter.

La plupart du temps, nous partions pour 3-4 jours de mer, avec au moins 24h de moteur. Et des abris à l’arrivée accessibles même par mauvais temps. Le tronçon nous menant à Rio Grande a bien été le plus délicat du parcours. En tout cas, pas le temps de trainer sur la route. Ce qui change beaucoup de notre rythme jusqu’alors, où nous pouvions rester 15 jours sur un même mouillage, à regarder le temps passer, à l’Africaine ! Petit rappel du dicton préféré d’un ami Africain, Omar : « Nous (Africains) on est habitués à tuer le temps, vous (les occidentaux) c’est le temps qui vous tue ». Ils ont raison, mais ici pas le temps de flâner, il faut faire route quand la météo le permet, sinon nous mettrions des mois à descendre et ne serions plus dans les bonnes saisons pour le parcours que nous envisageons.

La météo a été très fiable et précise à 10-15% de force d’angle et de temporalité. Je téléchargeais deux ou trois fois par jours plusieurs fichiers météo, de différents modèles, l’un très précis pour les 24h à venir, un second plus large pour les 96h. Tout ce qui m’a manqué, ce sont des cartes isobariques analysées de la zone. Il en existe pléthore pour l’atlantique nord, aucune à ma connaissance pour le sud. Si quelqu’un peut me démentir sur ce point et me donner la solution je suis preneur !!

Je conseille vivement à tous ceux qui viennent naviguer par ici de se munir d’une bonne solution météo (irridium go forfait data illimité) et de s’arranger pour rester connectés à terre (free offre 25go de données au Brésil et en Argentine avec un abonnement classique). Il faut aussi avoir une bonne réserve de carburant (quitter le Brésil avec le maximum, c’est très cher ensuite en Urugay et Argentine, et la qualité moindre). L’eau n’a jamais posé de problème, même à 4 et avec un désallinisateur en panne. Enfin le moteur doit être au top. On trouve des ship de pêcheurs un peu partout mais pas de services, sauf à Itajai où il y a tout (Étape de la Volvo Ocean Race), mais très cher. Travel lift, techniciens et pièces.

Une bonne carto est indispensable. Nous avons la classique d’OPEN CPN et celle de Navionics sur tablette (moins de 100€ l’abonnement de toute la zone AMSUD et Caraïbes), par contre pour cette dernière carto l’appli qui permet de les utiliser est un peu basique en terme de fonctionnalités de routage et de navigation.

Enfin, souvent malheureusement car on ne fait qu’effleurer les escales, ne jamais perdre de temps, profiter de toutes les options météo pour faire route, surtout si vous avez une ou des dead line ou autre rdv…!

Petite précision toutefois : Une discussion avec plusieurs skippers ayant navigué sur zone me mets quand même le doute : avons nous eu de la chance ou avons nous été plus précis sur la météo ? Deux d’entre eux m’ont affirmé avoir pris des vents de 50 kn (pas bon !) alors que la météo n’annonçait que 25 en rafale…. La météo et son utilisation ne sont pas des sciences exactes…. La zone mérite de rester toujours sur le qui-vive…


Solution gratuite de récupération de la météo.

Nota : Il existe une solution bien plus simple avec TZ-navigator et abonnement météo (payants), hélas cet éditeur logiciel, que j’apprécie par ailleurs, nous a lâché sur cette zone du globe : aucune carto disponible ! Il existe aussi plein d’autres solutions, gratuites ou pas. Le but de cet article est de vous fournir une des solutions, éprouvée et gratuite.

Faute de Tz nous avons donc rebasculé sur la solution openCPN-Navionics et fichiers météo grib…. Nous aurions pu charger la météo sur le fond de carte minimum de TZ, mais nous avons opté pour la solution nous permettant d’avoir la météo à l’endroit où la route est faite. Déjà que nous sommes obligés d’avoir deux routes non synchronisées (Navionics et Open CPN), si en plus on a un troisième système pour la météo ça commence à faire usine à gaz, et risque d’erreur ou de confusion, voire d’incident… Ca ne nous empêchait pas de temps en temps de prendre une météo sur Weather 4d via l’iridium, mais comme finalement on chargeait les mêmes modèles la duplication n’a pas grand intérêt, à part de présentation, plus soignée et contemporaine sur Weather.

Sur Ystafell 2, nous disposons d’un iridium go forfait data illimité. D’un PC windows 11 avec open cpn et d’un smartphone Android.


Récupération de la météo

Voir 1.
Voir 3.
  1. S’assurer que votre open CPN dispose du complément (outils-options-compléments) GRIB 4.1, au besoin installez ou activez le. Créez un répertoire destiné à recevoir les fichiers Grib.
  2. Lancer Open Cpn puis ce complément et sélectionnez une zone avec le bouton @.
  3. Sélectionnez le modèle et les caractéristiques voulues. Moi je fais deux fois la manip : Une première fois avec le modèle Icon, maille fine, pour 48h et sur une zone équivalent à environ 250NM. Ce modèle ne propose que les données vent, pression et rafales. Une seconde pour le modèle GFS, maille large (attention ajouter toujours 20 % aux données affichées) sur une zone plus large (500NM et sur 120h), qui propose les données de vague, nébulosité etc…. Pour chacun de ces modèles je copie le contenu de la zone « mail » dans un fichier texte. Attention la maille fine du modèle Icon pèse plus lourd. Dans l’exemple affiché il faut réduire la durée de prévision, un fichier de 2.72mo est trop lourd à télécharger et ne se justifie pas. Je reste en dessous du mo, pour une durée de chargement d’environ une heure.
  4. La limite d’iridium go est que vous ne pouvez envoyer-recevoir de mail que depuis votre application smartphone (hors solutions plus complexes que je ne maitrise pas). La difficulté est de les reporter sur l’ordinateur de bord. L’irridium go est un outil parfait – à mon avis – surtout avec un abonnement datas illimité. La difficulté, une fois récupéré les fichiers météo sur votre téléphone par l’intermédiaire du réseau Iridium, c’est de les mettre sur le PC de bord et les afficher sur la cartographie.
  5. Android, et pas Apple, permet de transférer facilement des fichiers du PC au smartphone et inversement. Vous pouvez le faire soit via usb en branchant votre android sur le pc, soit par l’intermédiaire d’une application (que je recommande) « Gestionnaire de fichiers ». Cette application vous permet de mettre en lien, sans câble, le pc et le smartphone, et d’interagir entre les deux. C’est simple et très efficace. Donc connecter vos deux appareils, récupérez sur le smartphone le fichier avec vos deux requêtes, ICON et GFS.
  6. Lancer Iridium mail, préparez un mail à query-reply@saildocs.com (il existe d’autres « fournisseurs » mais je n’utilise que celui-ci, qui me donne toute satisfaction), pas de sujet, en corps de texte mettre une des deux requêtes, faire de même pour la seconde requête.
  7. Envoyez les deux mails
  8. Quelques minutes plus tard, relancez une réception des mails. Vous allez recevoir deux mails contenant chacun un fichier grib
  9. Enregistrez ces fichiers sur votre smartphone (répertoire download en général), puis placez les dans le répertoire du PC préparé pour recevoir les fichiers grib.
  10. Relancez le complément Grib d’open CPN et utilisez « Ouvrir un nouveau fichier ». La météo s’affiche sur votre carte. Basculez d’un modèle à l’autre selon l’analyse que vous souhaitez faire.
  11. Notez que vous pouvez cliquer droit sur un des endroits de la carte et choisir « météotable » pour afficher tous les éléments du fichier Grib, pas forcément affiché sur la barre d’outils du complément. Notez aussi que pour décider si vous souhaitez afficher votre GRIB en heure locale ou UTC cela se fait exclusivement dans les préférences du complément (Outils-Options-Compléments-Comp. Grib-Préférences). La langue (j’ai eu un souci d’affichage en langue exotique) se règle dans outil-options-personnaliser-affichage-langues)

2 commentaires sur « Le Mot du capitaine »

  1. Bjr, ça fait plaisirs de lire des expériences sur ma zone ! L’Amérique du Sud ne semble pas attirer le plaisancier ! J’y suis depuis février. Actuellement à Guaruja pour carénage et révision moteur, j’hésite à continuer ma descente vers Piriapolis … je note avec intérêt le choix de vos fournisseurs grib maille fine, ICON en particulier. Je suis sur Mac et iPad ce qui me permet une parfaite exploitation de Weather 4D / iridiumGo
    Quel est votre route ?
    Yves
    Etadel
    Dufour 450

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    1. hello, direction Bueno aires. Après nous débarquons pour un périple terrien vers le grand sud et la remontée des canaux en bateau de ligne. Cote météo je n’ai pas trouvé à télécharger des cartes isobariques…. as tu ça ? Un copain sur la même route m’a confirmé que piriapolis était peu cher à la marina mais très cher à vivre. A mon avis ne te prive pas de Montevideo….

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